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Tessiture et registres
La transposition du cor
Lorsque l’on regarde les parties de cor écrites avant la seconde moitié du XXe siècle (et il en est de même pour les trompettes), on s’aperçoit que le cor est écrit en de nombreuses tonalités différentes allant du Si♭ grave à l’Ut aigu. C’est en raison de la tradition d’écriture pour le cor naturel gardée intacte pendant très longtemps. En effet, avant l’époque romantique les cors étaient très différents d’aujourd’hui (voir Généralités – Les différents types de cors – Cor naturel), il n’avaient pas de pistons mais des tons de rechange pour changer la tonalité de l’instrument. En fonction du ton utilisé, on pouvait donc avoir un cor en Fa ou un cor en Ré, en La, etc. Les parties de cor étaient alors écrites sur les harmoniques naturelles du ton correspondant à la tonalité de la pièce (ou sur le ton de la dominante), cela donc revenait pour le corniste à jouer tout le temps en do majeur. C’est aussi pour cela que l’armure n’était pas écrite sur les parties de cor.
Distribution du 1er Sextuor de Louis-François Dauprat
Malgré les progrès de la facture instrumentale et l’avènement des pistons cette tradition d’écriture est restée, probablement car c’est de cette façon que les parties de cor sonnent le mieux. Ce n’est qu’au courant du XXe siècle que l’on a commencé à traiter le cor comme les autres instruments en termes de notation, et à l’écrire en Fa avec une armure.
Le cor est donc un instrument transpositeur en Fa, cela signifie qu’une note donnée en Ut doit être transposée à la quinte juste supérieure pour obtenir la note jouée par le corniste. Inversement, une note donnée en Fa doit être transposée à la quinte juste inférieure pour obtenir la note entendue en Ut. Ceci est valable quelle que soit la clé (de Sol ou de Fa) dans laquelle la note est écrite (voir Les clés).
L'étendue
De manière générale, la plupart des cornistes s’accordent à dire que la tessiture du cor comporte quatre octaves complètes. Cette tessiture peut être élargie, mais dans ce cas elle est à utiliser avec une très grande précaution (et ne sera pas bienvenue par la plupart des cornistes).
Sur ce site internet, je fais souvent référence à des registres qui correspondent à différentes notes-pivot de la tessiture du cor (ces délimitations sont bien sûr approximatives et dépendent de chaque corniste) :
Le registre médium est celui que l’on maîtrise en premier lors de l’apprentissage du cor. Cependant, dans le répertoire soliste, ce registre se trouve souvent délaissé car peut-être pas assez sonore et agile. C’est le registre du cor le plus à même d’assurer des rôles de remplissage, d’accompagnement et de tenues. En effet, son son ample et chaud se fond très bien avec l’orchestre ou les autres instruments.
Le registre médium-aigu est le registre le mieux maîtrisé par la plupart des cornistes. C’est le plus confortable de tous et il fournit la palette de couleurs sonores la plus étalée de la tessiture. C’est aussi ce registre qui est traditionnellement privilégiée pour les œuvres solistes.
Le registre aigu est le registre soliste brillant par excellence. Il peut être exécuté avec beaucoup d’agilité mais aussi avec beaucoup de puissance, et peut être très sonore. Il reste cependant assez difficile à maîtriser et requiert un bon contrôle.
Dans le registre suraigu, les harmoniques sont très rapprochées et les doigtés habituels très faux, il est donc facile de rater une note. De plus ce registre requiert une très grande énergie, ce qui est très fatiguant pour les lèvres ainsi que pour les muscles abdominaux permettant d’apporter la pression nécessaire. De ce fait, il est nécessaire d’observer une grande précaution (temps de pause conséquent avant pendant et après un passage aigu surtout s’il est long et fort, partie relativement facile avant et après pour pouvoir se reposer) avant d’employer ce registre, ainsi que de faire en sorte de bien amener à ces notes aiguës. Éviter le plus possible les grands sauts de tessiture, les lèvres et le souffle devant être préparés à de tels efforts. Réserver ces passages à quelques apparitions dans une pièce, mais en aucun cas sur la totalité de celle-ci.
Le registre médium-grave est le registre adéquat pour les cors graves. Il permet un son noble et large mais difficilement virtuose. C’est au contraire le registre le moins confortable pour la plupart des cors aigus, puisque c’est ici que se situe en général les notes auxquelles ces cornistes doivent changer de position de lèvre pour atteindre le registre grave de manière confortable. Certains cornistes passent sur le cor en Fa à partir du haut de ce registre, et jusqu’aux notes les plus graves. Cette tendance permet d’avoir un son encore plus envoûtant dans le grave de l’instrument, mais elle peut aussi déséquilibrer le son du pupitre de cor si les autres cornistes jouent sur cor en Si♭.
Le registre grave sert traditionnellement à réaliser la basse des accords en orchestre ou des octaves avec les autres cors. L’émission du son dans ce registre étant plus lente que dans les registres supérieurs, il est difficile de détacher aussi vite que dans ces derniers, c’est pourquoi il est plutôt réservé aux cors graves.
Le registre sous-grave est celui où se situent les notes pédales, c’est-à-dire les harmoniques fondamentales du cor en Si♭ (celles du cor en Fa se situant encore en-dessous). Ce sont des notes qui peuvent « claquer » (c’est-à-dire être très cuivrées et très timbrées) si elles sont jouer avec suffisamment d’énergie et suffisamment fort. Attention cependant, elles ne pourront pas l’être aussi clairement qu’un trombone, à cause de la direction vers l’arrière du pavillon. Les dernières notes de ce registres sont trop graves pour être « claquées » et ont un volume sonore trop faible pour être utilisées en tutti. Elles n’auront d’effet qu’en petit ensemble instrumental ou en orchestration très épurée sans quoi elles ne seront pas entendues.
Voici une représentation de la difficulté d’exécution et d’émission de chacun de ces registres. En vert est représentée la tessiture très facile, en bleu la tessiture habituelle, en rouge la tessiture difficile, enfin en gris certaines notes extrêmes qui ne sont presque jamais demandées et que nombre de cornistes ne peuvent atteindre. Bien sûr, cette représentation est à nuancer en fonction des possibilités et capacités de chacun.
Les clés
Le cor s’écrit en clé de sol. La clé de fa est très rare, et n’est utilisée que lors d’un long passage descendant souvent en-dessous du Si♭ du milieu de la clé de fa en Ut (Fa grave en Fa) :
Dans cette tessiture les notes isolées s’écrivent cependant toujours en clé de sol. Ce n’est seulement qu’à partir du Fa du bas de la clé de fa en Ut (Do grave en Fa) que des notes isolées s’écrivent en clé de Fa :
Il ne faut pas craindre de mettre des lignes supplémentaires en-dessous de la clé de sol, les cornistes ont l’habitude. En revanche (à part les parties de cor grave en ensemble de cors ou de cuivres, et encore…), il ne faut pas écrire de lignes supplémentaires au-dessus de la clé de fa.
Traditionnellement, une note en clé de fa s’écrit une quarte en-dessous de la note entendue en Ut (soit une octave plus bas que la hauteur à laquelle elle devrait être écrite selon la manière moderne). Ceci permettait de mieux représenter le registre grave qui sonnait plus proche de cette notation que de l’actuelle. Louis-François Dauprat (1781-1868) explique d’ailleurs très bien les avantages de cette notation dans l’Article 14 (page 22) de sa Méthode de Cor-Alto et Cor-Basse :
Louis-François Dauprat expliquant les avantages de l’ancienne notation de la clé de Fa par rapport à la nouvelle notation, représentée par Heinrich Domnich
Louis-François Dauprat, Méthode de Cor-Alto et Cor-Basse (1824), Article 14 page 22
Maintenant que l’on peut jouer des notes plus graves, cette écriture devient problématique car elle oblige à ajouter de nombreuses lignes supplémentaires en-dessous de la clé de fa. Elle est également différente par rapport à l’apprentissage de notre solfège. L’écriture moderne de la clé de fa (pour laquelle une note en clé de fa s’écrit une quinte au-dessus de la note entendue en Ut) est donc maintenant acceptée et de plus en plus utilisée.
Ancienne notation :
Nouvelle notation :
L’ancienne écriture subsiste cependant toujours, c’est pourquoi il est important de préciser dans la notice la transposition de la clé de fa utilisée (d’autant plus s’il n’y a pas de note avec plusieurs lignes supplémentaires en-dessous de la clé de fa pouvant trancher la question).
Dans cet extrait de la partie de cor 4 de la variation VII de Don Quixote de Richard Strauss, pas d’ambiguïté, il s’agit de l’ancienne notation.
En effet, les notes en-dessous de la portée sortiraient complètement de la tessiture de l’instrument s’il s’agissait de la nouvelle notation.